Gerrard, âme des Reds
« Coupez mes veines il en ressortira du sang rouge, couleur Liverpool. » Ca c’est Steven Gerrard. Né à Huyton, banlieue dure de Liverpool (comme Joey Barton, le bad boy de Manchester City qui a agressé Dabo le mois dernier), il n’avait que le football pour s’en sortir. Liverpool et Everton sont les deux seules distractions de cette ville portuaire. Les docks n’embauchent plus autant, les Beatles s’en sont allés. La Mersey charrie le désespoir des habitants et le Liverpool FC leur apporte l’espoir.
Anfield, lieu de culte, où les fans des reds patientent jusqu’au samedi pour assister à la grand messe célébrée par Gerrard et ses coéquipiers. Lieu où Steve G (comme le surnomme le Kop) a grandi. Il y venait avec son père, qui lui a donné l’amour des Reds. Son père, qui d’ailleurs, ne lui laissera pas le choix « c’est Liverpool FC ou la mort ». Ce pur Scooser (nom familier donné aux habitants de Liverpool) intègre la Liverpool Youth Academy, (le centre de formation). Pas question d’imiter son oncle fan d’Everton, l’ennemi. La vie de Gerrard c’est Liverpool, il est aujourd’hui le symbole vivant du club. Les fans ne concevraient pas un départ d’un des leurs. Quand à l’été 2005, il hésitait entre les Reds et Chelsea, les fans brûlaient des maillots à son effigie. Son père du l’appeler pour le ramener à la raison. « Liverpool est ton club, notre club. Si tu t’en vas, toute la famille sera obligée de déménager. On sera interdit de séjour ici » lui déclara-t-il.
Des velléités de départ
Devant les hésitations des dirigeants à le faire resigner, l’international anglais avait de quoi se poser des questions. Mais finalement le cœur a été le plus fort et Gerrard a prolongé jusqu’en 2009 (il est actuellement en renégociation). Mais, que serait le club de Liverpool sans son capitaine ? Gerrard faillit d’ailleurs ne jamais jouer pour l’équipe A, durant sa formation, il plante son pied dans un râteau rouillé, les médecins parlent d’amputation et il ne doit qu’à l’intervention d’un de ses entraîneurs de l’époque de ne pas amputer son outil de travail.
Le 5 novembre 1997 il signe son 1er contrat pro. A 18 ans, il est capitaine de la sélection anglaise de sa catégorie lorsque Gérard Houiller le lance en Premier League face à Blackburn. Quelque temps après il est titulaire au milieu de terrain à droite face à Ginola qui joue alors à Tottenham. Le Varois le ridiculise, et Steve G s’interroge sur son niveau réel. Heureusement, il y a son abnégation, sa hargne et sa pugnacité appris sur le terrain vague de Huyton. Et puis il pense aussi à son cousin Jon Pol Gilhooley décédé à 10 ans lors de la tragédie de Sheffield en 1989. Il a commencé le foot avec lui et il ne peut abandonner sans lutter. Jon Pol lui en aurait voulu d’ailleurs. Cette volonté, ses qualités de combattant, sa frappe et sa vision du jeu seront sa marque de fabrique.
Un triplé historique
En 2000 il enregistre sa première cape en équipe d’Angleterre face à l’Ukraine, désormais il fait partie des meilleurs joueurs anglais. Pourtant à cette période il connaît quelques difficultés dues à des blessures à répétition qui menacent sa carrière. C’est Philippe Boixel l’ostéopathe de l’équipe de France qui va l’aider, par des manipulations, lui permettant de retrouver toutes ses sensations. Mais c’est en 2001 qu’il va connaître sa plus belle année. Le Liverpool de Gérard Houllier domine l’Uefa et Alavès, ainsi que les deux coupes nationales. Un triplé historique qui offrira le ballon d’or à Michael Owen, son pote de toujours ; mais Gerrard, qui a marqué en finale, en est le pion principal. Liverpool est de retour. Et son enfant chéri est élu meilleur jeune du championnat.
Steven Gerrard remporte encore une fois la super coupe d’Europe et la coupe de la Ligue en 2003, ce qui le console de son forfait pour le mondial en Asie, victime d’une blessure et d’une opération à l’aine. Le scouser est encore et toujours décisif en final ou il marque presque systématiquement grâce à sa magnifique frappe de balle et ses montées rageuses, sans oublier ses ouvertures millimétrées. Mais il n’arrive toujours pas à remporter le championnat. Liverpool n’a plus été champion depuis 1990 l’équipe de Kenny Dalglish et Ian Rush.
Gérard Houllier s’en va
A la fin de la saison 2003/04, Liverpool ne renouvelle pas le contrat de Gérard Houiller, celui qui a lancé Steve G s’en va, remplacé par Rafael Benitez qui vient de remporter la coupe Uefa face à l’OM, avec Valence. Pour Gerrard c’est une déchirure, « Houiller a été comme un père. Une partie de moi est morte à son départ ». Pour rappel c’est l’entraineur français qui en a fait le capitaine des reds. L’entraineur espagnol ne réussit toujours pas à gagner le championnat mais il emmène ses joueurs en finale de la Ligue des Champions, une véritable surprise. La demi-finale contre Chelsea est mémorable, et le but qui les qualifie entaché d’une énorme interrogation... Le ballon a-t-il entièrement franchi la ligne ?
Une finale magique
La finale s’annonce terrible, pendant 45 minutes les Reds sont dominés, détruits, à la mi-temps tout le monde pense que le Milan a match gagné. Une équipe italienne qui mène 3 à 0 ne peut pas perdre pense-t-on. Mais c’est mal connaître les Anglais ils reviennent motivés comme jamais et poussé par un formidable public qui chante malgré la déroute, ils reviennent. Le You’ll never walk alone pousse à l’exploit et Gerrard joue son rôle de capitaine à la perfection. Il marque encore (avec ce but, il devient l’unique joueur à avoir marqué en final de Cup, de Ligue, de l’Uefa et de Ligue des Champions), Smicer aussi et Xabi Alonso termine le travail. Les reds égalisent et ne lâcheront plus. Comme si la rage née de Hillsborough qui est resté vive parmi les supporters, a aidé le Liverpool FC.
Dudek termine le travail et Steven Gerrard peut brandir la coupe. Cette saison là, il terminera second de la course au ballon d’or. Pour Steve G, c’est grâce au You’ll never walk alone. « C’est plus qu’un chant. C’est un pacte entre les gens, qui rassemble le même peuple dans les bons comme les mauvais moments ». Les reds remporteront une nouvelle super coupe d’Europe, mais pas le championnat du monde des clubs. Ils n’iront pas plus en finale de la Ligue des champions, mais gagneront une cup qui vit encore se diable de Gerrard inscrire un nouveau but. Décidément le capitaine courage des reds refuse la défaite ; même si il ne pourra rien face à Chelsea en finale de la coupe de la Ligue.
En route pour un nouvel exploit ?
La coupe du Monde 2006 ne sera pas une réussite, d’ailleurs malgré ses 12 buts en 50 sélections, Gerrard n’arrive pas à être aussi décisif qu’en club. Pire son association avec Lampard est plutôt bancale. Mais, il ne désespère pas. Après, la retraite de Beckham il est nommé co-capitaine, et se doit donc de tout faire pour qualifier l’Angleterre pour l’Euro 2008, même si les anglais sont très mal partis. Son seul fait d’arme en sélection est une frappe de 30 mètres face à l’Allemagne. Mais pour un Liverpudlians rien n’est impossible.
En octobre 2006, après cinq mois de vote les fans désignent Kenny Dalglish comme le joueur ayant le plus marqué le Kop, devant Steven Gerrard, Ian Rush, Robbie Fowler et John Barnes. Aujourd’hui, Steve G a tout gagné ou presque, il lui manque le titre de champion d’Angleterre et le ballon d’or, mais ce soir en final de la Ligue des Champions, il ne marchera pas seul vers la victoire, il sait que le peuple rouge sera derrière lui, ainsi que son père et Jon Pol. Le Milan est prévenu, d’autant plus qu’en 2007 les reds ont éliminé Chelsea en demi, comme en 2005...
Gerrard le scouser, c’est le cœur de Liverpool. J’ai compris que je ne m’en irai jamais, Comment pourrais-je partir après une nuit pareille ? dit il à la fin de la finale 2005. Ainsi le Kop continuera de chanter : « Steve Gerrard He’ll pass the ball forty yards, he’s big and he’s fucking hard, Steve Gerrard. »